
Il vient comme un temps de ténèbres, grand et effrayant. Il vient comme un déluge, immense et asphyxiant. Voici venir le Boma, matinalement invoqué. L’horizon déjà se couvre d’ombres. Ceux qui regardent cet horizon et voient venir alertent, comme toujours. Mais dans l’euphorie d’une libération manquée, ils sont pris pour des trouble-fêtes. Cette chanson résonne encore, et tel un clip, on peut voir partout l’avènement de la manifestation de la deuxième part de la duplicité. Le Boma opère sa mue. Déjà, il ouvre sa bouche et ingurgite l’eau sur son passage. Bientôt, il emportera les cases et les naïfs avec lui. Les civils sont des nazes, des naïfs. Ils manquent de comprendre ou ne veulent pas comprendre, pensant que la parenthèse de joie est la joie ou la libération. Bientôt, le Boma envahira les rues de sa présence, et l’histoire reprendra là où elle a été suspendue, à cet endroit où l’on pensait que le Léviathan devait désormais représenter le peuple. À l’horizon, tout est rouge, rouge de fourmis qui désormais fourmillent dans les rues. Que dire ? Attendre le déluge et se soustraire. Pris dans le bouillon dans lequel il se prélasse, le crapaud pense que l’eau chaude est son amie. On peut chanter tous les hymnes, mais la joie quitte les lèvres et les cœurs perdent leur paix. C’est reparti pour un nouveau cycle… On l’a choisi dysphorique… Ainsi parle le voyant…
Ce texte de Brice Levy Koumba Lamby est une allégorie politique sombre et prophétique, utilisant un langage symbolique fort pour critiquer la situation au Gabon. Voici une interprétation des éléments clés :
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Le Boma (le serpent) :
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Il représente le pouvoir en place, plus précisément le président actuel, dont l’intronisation aurait été marquée par des rituels impliquant un serpent.
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Le serpent, associé à Mboumba, symbolise un pouvoir dangereux, avide de sang et de sacrifices humains.
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Sa « mue » évoque une transformation, un changement de phase du pouvoir, potentiellement vers une forme plus oppressive.
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Les fourmis :
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Elles incarnent les forces militaires, l’armée, qui sont au service du Boma.
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Leur couleur rouge et leur nombre croissant signalent une montée de la répression et de la violence.
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Le déluge :
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Il symbolise un temps de chaos, de ténèbres et d’oppression qui s’annonce.
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Il représente la manifestation de la « deuxième part de la duplicité » du pouvoir, c’est-à-dire son visage sombre et répressif.
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Les civils (les nazes, les naïfs) :
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Ils sont décrits comme aveugles et inconscients du danger qui les menace, se laissant berner par une fausse impression de liberté.
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Leur naïveté les rend vulnérables face à la montée du Boma.
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Le crapaud dans l’eau chaude :
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Cette image illustre l’illusion de sécurité dans laquelle se complaisent les civils, qui ne réalisent pas le danger imminent.
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Le voyant :
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Il représente la voix de la raison et de la clairvoyance, qui alerte sur les dangers à venir, mais qui est ignorée.
Interprétation générale :
Le texte de Brice Levy Koumba Lamby est une mise en garde contre le retour d’un régime autoritaire et violent au Gabon. Il dénonce la manipulation du pouvoir, l’aveuglement de la population et la menace imminente d’une répression sanglante. L’auteur utilise un langage apocalyptique pour exprimer son pessimisme et son inquiétude face à l’avenir du pays.