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Révolution démocratique

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Récemment des insurrections populaires ont été qualifiées de révolutions démocratiques, par exemple en Tunisie, en Egypte ou au Burkina Faso. Ce sont dans l’ensemble des résistances à l’ordre établi qui se développent sans organisation structurée, des révoltes des citoyens qui pourraient être décrites comme la première vague d’un processus de transition à long terme.

Tunisie

La révolution tunisienne de 2010 a commencé dans sa phase radicale en 2008. En 2010, l’étincelle qui a mis le feu aux poudres a été l’auto-immolation de Bouazizi. L’injustice sociale, criarde, tangible au quotidien a été la cause de la contestation sociale à ses débuts. Donc la demande de justice sociale a été la principale revendication couplée à une revendication politique naturellement démocratique. Le mouvement qui s’est déclenché et qui a atteint la Tunisie entière s’est fondé sur les réseaux des « diplômés chômeurs », sur les membres du syndicat des enseignants primaires, ceux de la santé, les avocats… La jeunesse arrive en masse et, par les réseaux de Facebook et de Twitter, se constituent alors des rassemblements de plus en plus étendus.

Egypte

La révolution égyptienne du 11 février 2011 trouve ses prémices en 2006 lorsque les ouvriers commencèrent à faire grève dans l’ensemble du pays. Le 6 avril 2008, en réaction contre l’augmentation du coût de la vie, notamment des produits alimentaires, un appel à la grève entraîne l’arrestation de 33 personnes. Un mouvement social se crée  qui se greffe sur le mouvement ouvrier et par le biais de Facebook permet l’adhésion de 70 000 jeunes à la contestation. Durant trois jours, une soixantaine de grèves d’ouvriers  égyptiens ont précédé la chute de Moubarak le 11 février 2011. Pour en arriver là, plus de 200 mouvements d’action collective ont été tentés depuis 2004. L’augmentation du coût de la vie a été au cœur de la réaction populaire révolutionnaire. En tout état de cause, avant la période révolutionnaire proprement dite, beaucoup de mouvements ont lourdement insisté sur l’importance capitale de la justice sociale. Dès lors, pour une grande partie des acteurs des révolutions arabes, la démocratie se  conjugue de pair avec la justice sociale, l’idéal de la liberté politique étant indissociable, dans cette perspective, de celui d’une société mettant fin à des disparités économiques trop élevées. Cependant, faute de modèle crédible et vu l’ascendant du modèle néo-libéral, l’idéal de la justice sociale risque d’être le premier à être sacrifié dans la crise post-révolutionnaire.

Burkina Faso

L’insurrection d’octobre 2014 qui a vu le départ de Blaise Compaoré est l’aboutissement d’une longue révolte du peuple qui prend sa source en octobre 1987 avec l’assassinat de Thomas Sankara en passant par la réaction contre l’assassinat de Norbert Zongo en 1998. Le mouvement citoyen prend de l’ampleur avec la crise alimentaire de 2007-2008. L’étincelle qui met le feu aux poudres de la contestation citoyenne, c’est le projet de révision de la constitution notamment le projet de modification de l’article 37, qui aurait permis à Compaoré de se représenter pour deux mandats supplémentaires. Ce projet relance le mécontentement jusqu’à aboutir à la chute de Compaoré en octobre 2014, après vingt-sept ans passés à la tête de l’État. Les principales revendications du mouvement citoyen au Burkina Faso sont la lutte contre l’impunité et contre la vie chère. Après l’insurrection d’octobre 2014, la révolution citoyenne bute malheureusement sur l’absence de perspective, le manque de rétribution du militantisme et semble aujourd’hui s’essouffler.

Force de l’ordre

Pour mener à bien une insurrection populaire, il semble nécessaire d’obtenir la bienveillance de l’armée et des forces de l’ordre. En effet,  le succès de la mobilisation dépend également de la capacité à faire partager les frustrations sociales par une partie des forces de l’ordre, pour qu’elle bascule du côté de la mobilisation. Un premier point de blocage se trouve au fondement même du système autoritaire contesté : le monopole de la violence. Les régimes autoritaires reposent fondamentalement, mais pas essentiellement, sur la coercition. Cela signifie que les acteurs à même de faire usage de cette coercition (en général, l’armée ou la police, mais aussi parfois des milices) sont des acteurs pivots en situation de tension pour le régime. Lorsqu’ils restent solidaires du pouvoir contesté, celui-ci est à même de résister à la pression, ou tout du moins de conserver la maîtrise du processus de libéralisation. Lorsqu’ils se désolidarisent du pouvoir ou se divisent, c’est une ressource essentielle qui vient à manquer aux dirigeants contestés, surtout quand ils rejoignent le camp des contestataires dans une alliance objective.

Freins à la transition en Afrique centrale

  • L’exemplarité de la répression :  les mobilisations nées en Afrique centrale font les frais d’un effet d’apprentissage de la part des chefs d’État qui sont aujourd’hui bien instruits du risque. Ni Bongo, ni Sassou,  n’ont envie de finir comme Compaoré. Aussi mènent-ils une contre-révolution, avec d’autant plus d’efficacité que la mémoire de la guerre reste présente dans les deux Congo. La nouvelle vague de répression se veut exemplaire pour doucher définitivement tous les espoirs d’alternance.

  • Le contexte international : La lutte antiterroriste est devenue l’obsession n° 1, notamment de la France, et des régimes autocratiques, comme le Tchad, se sentent pousser des ailes, embastillant et chicotant leurs opposants sans scrupule. Le retour de la Guerre froide, avec Moscou et Pékin qui veulent prouver que les « révolutions de couleur » mènent au chaos en Syrie et ailleurs, ne favorise pas davantage les opposants en Afrique central.

  • Le business : Le business qui se développe autour de l’émergence économique de l’Afrique est plutôt vecteur de statu quo, même si la chute du prix du baril de pétrole pourrait fragiliser le régime à Brazzaville ou à Libreville. Le caractère autocratique des régimes n’est pas un frein au business qui profite à l’extrême des dérives de la situation (clientélisme, corruption, achat de la légitimité…).

Déterminants des choix stratégiques

Dans les choix stratégiques, il demeure important de prendre en compte les catégories suivantes :L’intérêt pour le bien commun, le temps et l’imprévisibilité de la violence.

  • L’intérêt pour le bien commun :  dans la pensée politique l’élément commun joue un rôle fondamental : les décisions sont caractérisées par l’intérêt pour le bien commun, et le corps politique constitue l’union de plusieurs individus en vue d’une finalité commune. Toujours se demander qu’est-ce qui est mieux pour le bien de tous ?

  • Le temps  : dans le cadre du choix d’une révolution pacifique non violente, le temps est ce que doit nécessairement considérer l’homme pour agir, et s’il ne devait considérer qu’une chose ce serait celle-ci. Car le temps détermine le rapport de l’homme qui agit avec les conséquences de son action, et à son tour la temporalité de l’action. La non-violence, loin d’être passive, est aussi une force active, mais représente un effort inscrit dans la durée. L’énergie de la non-violence, moins visible parce qu’elle s’inscrit dans le long terme, ne représente pas une force moindre que la violence, mais la manière de la développer est cependant différente. Le rapport au temps est prédominant dans le rapport de force entre la violence et la non-violence car nous avons bien affaire là à des forces qui se confrontent même si elles sont de nature différente. A l’inverse de l’illusion qui est donnée par la violence, les résultats de la non-violence, eux, ne sont pas assurés et sont encore moins assurés d’être rapides. Dans ce contexte, l’action de l’homme suppose de la patience et de la détermination. A l’inverse de la violence, la non-violence accepte que la résolution d’un conflit prenne du temps – ce qui est la condition nécessaire pour que les effets de cette résolution soient durables. Plus la non-violence a affaire à la violence – ou plus grande devient la violence -, plus ses chances de réussite semblent diminuer. La non-violence suppose cependant la foi en l’impermanence.

  • L’imprévisibilité de la violence : nous rencontrons un élément d’imprévisibilité totale à l’instant où nous nous approchons du domaine de la violence. Car les hommes sont incapables de contrôler les conséquences de leurs actions, alors même qu’ils s’efforcent d’y parvenir. L’incapacité de l’homme à contrôler les conséquences de ses actes vient d’abord du fait même de l’impermanence des choses et de leur imprévisibilité inhérente. Agir revient à agir sur les événements, c’est-à-dire à donner une forme nouvelle à quelque chose qui ne cesse d’en changer. Le surcroît d’arbitraire qui caractérise la violence est que celui qui recourt à la violence croit pouvoir maîtriser le devenir de ce qu’il a entrepris. L’arbitraire ne consiste d’ailleurs pas tant à croire que l’on peut maîtriser les conséquences de ses actes qu’à agir selon cette croyance.  L’escalade dans le perfectionnement des instruments de la violence revient, en-dehors de toute analyse psychologique, à ce que la violence engendre toujours la violence. L’escalade de la violence se produit lorsque celle-ci n’est plus limitée par ses fins. En ce sens et en ce sens seulement on pourra dire de la violence qu’elle est irrationnelle, c’est-à-dire, qu’elle n’a plus de logique interne. La violence ne saurait être rationnelle que si elle est limitée par les fins qu’elle est censée servir, et pour ce faire, doit se fixer des objectifs à court terme. Ce n’est d’ailleurs pas tant la violence elle-même qui est irrationnelle – elle est au contraire rationnelle de par son caractère instrumental – mais l’usage contre-nature que l’on en fait si on l’utilise en vue d’établir ou de préserver un état durable.

Prévisions à propos des transitions

  • En l’absence de tout mouvement révolutionnaire idéologiquement, politiquement et militairement structuré, la résistance à l’émergence de la classe dominante continuera de prendre une forme fragmentée, violente (délinquance urbaine, rébellions, mouvements armés éventuellement millénaristes, piraterie, prise d’otages et peut-être terrorisme) et/ou religieuse (sectes ou prophétismes néo-chrétiens ou néo-traditionnels, maddhismes musulmans, islam réformé, politique ou fondamentaliste).

  • La répression de la dissidence se durcira, ainsi que le suggère d’ores et déjà la banalisation des assassinats politiques ou des exécutions extrajudiciaires.

  • Rien n’augure, dans l’état actuel de nos connaissances, l’émergence d’un mouvement révolutionnaire en bonne et due forme, capable de renverser la hiérarchie sociale.

  • Les classes dominantes garderont les moyens de contraindre les cadets sociaux, de les contenir, par la violence et simultanément, au moins dans certaines situations, par la domination légitime et l’hégémonie, car leur avantage dans l’accès aux ressources de l’extraversion paraît désormais irréversible.

Révolution citoyenne

A la révolution politique, il faut nécessairement adjoindre une révolution sociale et économique. C’est ici qu’intervient la nécessité d’une révolution citoyenne avec pour principale préoccupation la satisfaction de la justice sociale. La révolution citoyenne se veut un programme de société notamment élaboré par Rafael Correa en Equateur.  La révolution citoyenne vise à réorganiser et à redéployer l’Etat dans l’ensemble du territoire à travers de vastes politiques publiques.

La révolution citoyenne cherche à transformer la société dans le sens de l’amélioration du sort des masses populaires. Les objectifs de la révolution citoyenne sont :

  1. Soutenir une dynamique nouvelle promouvant le bien vivre sous l’autorité de l’Etat.

  2. Éliminer le régime des partis politiques en tant qu’oligarchie dominante dans l’État.

  3. Instaurer un quatrième pouvoir avec le Conseil de la participation citoyenne et le contrôle social instituant un contrôle démocratique des institutions par les citoyens.

  4. Organiser et coordonner les populations.

  5. Développer des alternatives pour une gestion des ressources.

  6. Consolider un nouveau modèle de développement équitable et durable.

  7. Concilier économie, écologie et justice sociale.

  8. Promouvoir une économie sociale et solidaire qui cherche à satisfaire au mieux les besoins de la population en biens et services, dans le respect de l’environnement.

  9. Élaborer un système de contrôle et instaurer l’obligation de rendre des comptes au peuple ou à ses représentants.

  10. Faire reconnaître dans la constitution le droit à la nature.

La révolution citoyenne repose sur la démocratie participative et délibérative venant compléter la démocratie représentative.

  • La démocratie représentative : Le peuple élit des représentants qui décident à sa place.

  • La démocratie participative : La démocratie participative renvoie aux processus, nombreux et très divers, qui visent à associer les citoyens et en particulier les citoyens « ordinaires » à l’élaboration des décisions.

  • La démocratie délibérative : Le courant dit de la démocratie délibérative, selon lequel la force de toute démocratie réside dans le débat public et, surtout, dans les délibérations entre citoyens à propos des questions de société : en discutant entre eux, les citoyens identifient les arguments qui sont pertinents et rejettent ceux qui ne le sont pas, ce qui permet d’arriver à un processus décisionnel basé sur la délibération plutôt que sur l’élection de représentants, même si l’une n’exclut pas nécessairement l’autre.

Choix méthodologique : de l’appel des idées aux recommandations

  1. L’objectif de la délibération.

  2. Le recrutement.

  3. La composition des groupes de discussion.

  4. La manière de mener la délibération.

  5. La préparation (notamment la récolte des fonds).

  6. Les contacts avec les médias.

  7. Le choix des thèmes.

  8. La logistique (en ce compris la sélection d’un lieu approprié, les personnes-ressources et le matériel nécessaire).

Structures (cellules)

  1. Méthodologie : Groupes de personnes chargées de la réflexion sur les méthodes et la stratégie. On peut l’appeler le secteur M.

  2. Collecte de fonds. Groupe de personnes chargées des questions financières. On peut l’appeler le secteur F.

  3. Communication interne et externe.  Groupes de personnes chargées de l’image et des relations avec le public. On peut l’appeler le secteur C.

  4. Logistique. Groupe de gestion de la logistique. On peut l’appeler le secteur L.

  5. Cockpit : Le rôle du cockpit est de centraliser les informations et d’assumer une gestion exécutive collégiale du processus, un peu à la manière d’un conseil d’administration.

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